La détresse de Mr Fox

Publié le par anima

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Plan extrait du film : Fantastic Mr Fox
Réalisé par : Wes Anderson
Etats Unis / 2009


Situé quelques minutes en amont du climax du film, ce plan est exemplaire de la mise en scène hyper-composée de Wes Anderson, laquelle est très (trop ?) souvent basée sur un axe de symétrie (vertical ou horizontal) parfaitement lisible. Se positionnant en plein centre de l'écran et du décor, Mr Fox se trouve tenaillé entre le poids des événements qu'il doit affronter et un désordre intérieur que l'on suppose perpétuel. En pénétrant dans cet espace, le personnage de Felicity Fox vient rompre cet équilibre géométrique pour l'aider à apaiser son trouble.

Ce plan marque ausssi une rupture provisoire avec la colorimétrie générale du film, laquelle s'appuie sur une charte très travaillée qui apparaît même dans le récit sous la forme d'une palette de peinture. Majoritairement jaune orangée, gris terne, voire bleu nuit, la charte chromatique du film devient monochrome à de rares occasions principalement pour contrebalancer les moments de tension. Ici l'insouciance infaillible de Mr Fox est ébranlée par la capture de son fils et de son neveu, menacés de mort.

Ce plan exprime aussi tout le romantisme pictural du film (l'individu écrasé par les éléments naturels métaphores de ses tourments), sublimée par la chute d'eau d'arrière-plan dont le spectateur, adulte ou enfant, peut saisir selon son degré d'émotivité, la dimension symbolique d'une oppressante tristesse.

Enfin, il pourrait bien aussi traduire - plus subtilement - une sorte de mise en perspective d'un thème sous-jacent à toutes la filmographie de Wes Anderson, la difficulté à trouver sa place dans le monde (en premier lieu dans la cellule familiale), et plus généralement "d'être synchrone avec la vie" 1.
"
Coincé entre l’aîné et le benjamin. J’y pense très souvent, [...]. Etre au milieu vous met dans une situation délicate à la maison : l’aîné reçoit toutes les attentions, il a été le premier, a récolté toute l’excitation ; le benjamin, lui, est pour toujours le bébé, choyé et drôle… Mais le cadet ? Il est laissé dans son coin, on le remarque à peine, il doit se débrouiller seul ou faire beaucoup de bruit pour se faire entendre. Moi, je me suis réfugié dans une bulle, j’avais mes propres centres d’intérêt : je dessinais sans arrêt, je faisais des petits films… Une façon d’utiliser tout mon temps libre pour réfléchir… J’avais toujours un projet en ligne de mire."2

1. Axelle Ropert, Les Inrockuptibles, 17/02/2010

2. Clarisse Bouillet, Les Inrockuptibles, 16/02/2010

Une image-ricochet
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Nostalghia de Andreï Tarkovsky - 1983

Publié dans Instants de grâce

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